Le Gouffre de la Pleine-Lune, c’est la topo bizarroïde qui est collée sur une porte au local matériel à Bassins. C’est aussi cette entrée pas bien grande sans être trop petite qui débouche sur un puits de 75 m, que l’on ne descend pas entièrement, comme tout ceux qui suivent, jusqu’à se retrouver dans un espace bien aérien, où il y a des puits de beaux volumes que l’on peut aussi bien contourner que descendre. En dessous la Kolos-salle, cette immense volume qui donne l’impression qu’un 0 a été ajouté à certaines mesures. Ce n’est évidemment pas la fin et le gouffre se développe encore dans d’autres galeries et puits qui en valent tous la peine.
Du côté du mois de mai, un élan de motivation est apparu d’on ne sait où, et s’est traduit par l’idée de rééquiper les puits aux amarrages vieillissants, d’une part pour se faire plaisir dans un trou magnifique et, à moyen terme, aller voir s’il reste quelque chose à explorer par escalade, élargissement/amaigrissement, notamment dans le Réseau des Gazés. La sortie de rééquipement fut aussi l’occasion pour Arnaud de prendre le temps de faire quelques clichés qui en mettent en valeur les suprenant volumes.
Première sortie : rééquipement et photographies
On part à six pour cette sortie : Adrian du SGH-Basel,Cyril des Préalpes fribourgeoises, Arnaud, Patrick, Ivan et moi-même. On se rejoint petit à petit entre Vallorbe et la route des Begnines, et après un arrêt-apéro matinal non planifié pour le passage des vaches, on finit par atteindre la zone de parking. S’ensuit une heure (?) d’errance dans la forêt pour trouver l’entrée, qui n’est définitivement pas loin et plutôt simple à trouver, quand on sait où c’est :) . À retenir : Si vous avez l’impression que la marche d’approche est longue, c’est que vous êtes trop loin !
Après une heure de perdue, on atteint l’entrée et après une évaluation rapide, Arnaud et Patrick se décide à directement refaire les amarrages depuis le début. Pendant qu’ils s’acharnent sur le P75, Adrian, Cyril, Ivan et moi taillons tranquillement le bout de gras dans la chaleur bienveillante de l’extérieur. Cette première partie de l’équipement finie, on se retrouve après le pendule au milieu du puits. Je reste avec Patrick derrière pour remettre des amarrages pendant que les quatre autres équipent à l’ancienne et vont aller jeter un coup d’oeil à la Salle des Seins pour photos.
Après une bonne heure ou plus (?) à faire des noeuds et planter des goujons, Patrick et moi atteignons le haut des puits au-dessus de la Kolos-salle. Peu motivé à équiper cet endroit compliqué alors que la faim augmente, on laisse le matériel et on rejoint les autres qui sont entrain de revenir.
C’est là que le plein potentiel de sensations de la Pleine-Lune se dévoile ! On traverse un puits de belles dimensions par une descente montée sur une corde en pendule (ou en V plutôt, vu que l’on remonte en face), suivi du contournement d’un P38 par des vires boueuses pour atteindre Central Junction, où l’on monte cette fois sur une gigantesque coulée de Calcite qui mène au début de Mexico Palace, où se trouve l’équipe photo. Le P38 n’est pas juste profond, il est laaaarge. On en fait le tour entièrement, avec du vide au-dessus, au-dessous, devant, derrière, à gauche (ou à droite selon le sens).
La petite pause soupe sera suivie par le début du retour. Pendant que Patrick, Ivan et Cyril partent devant, je reste avec Arnaud et Adrian pour les photos. Arnaud a pris un flash omni-directionnel qui envoie une belle quantité de lumière, sans pour autant être capable d’éclairer entièrement ou même le quart des ténèbres qui nous entourent. On reste assis sur les vires boueuses en regardant Adrian qui semble si loin sur la coulée de Calcite. S’arrêter à cet endroit nous fait prendre consci
On remontra ensuite sans autre arrêt pour finir la soirée chez Arnaud.
Visite estivale :
Petite visite pour rester chaud pour le Gouffre Berger avec Guilhem et Paul :
Dernière sortie : Kolossalle et déséquipement
Afin de ne pas manquer de matériel pour d’autres gouffres pendant l’automne et l’hiver, il est décidé de déséquiper le gouffre en attendant l’été prochain pour poursuivre le travail. Équipe jeune : Damiel, son frère Léo, Guilhem et moi. L’objectif de base est de descendre à la Kolos-salle en rééquipant, poser des broches de par et d’autre du V permettant d’accéder à Central Junction et d’en remplacer la corde, éventuellement aller jeter un coup d’oeil à la Salle des Seins, puis de remonter en déséquipant.
Après avoir passé la nuit à Druchaux, Damiel, Léo et moi mettons le turbo pour ne pas arriver trop en retard au RDV avec Guilhem. Sur le chemin, on croise équipe de spéléos en préparation. Coïncidence, ce sont certains Suisses allemands avec qui Oriane et moi étions descendus à la Glacière de Druchaux l’automne passé ! Eux se dirigent vers le gouffre de la Cascade. Soucieux de ne pas faire poireauter Guilhem, nous ne tardons pas et redémarrons.
Mais, arrivé à la zone de parking, Guilhem est manifestement plus en retard que nous (youpi on est mauvais, mais pas les pires ;)). Celui-ci finit par arriver peut-être 20 minutes plus tard alors que l’on a que timidement commencé à se préparer. On arrive quand même se mettre en route malgré nos esprits encore un peu endormi.
L’entrée facilement trouvée, on descend rapidement à la zone d’intersection Kolos-salle – Central Junction, la fraîcheur souterraine aidant à se réveiller.
Les affaires commencent on est arrivé ! Pour éviter le traumatisme polaire du narcoleptique en 2017 (attente froide et coincée dans une faille pendant l’équipement), Damiel et son frère vont se balader vers la Salle des Seins. Pendant ce temps Guilhem et moi nous rendons compte qu’il manque les mousquetons et plaquettes… Changement de plan : On abandonne la pose des broches, et on se concentre sur la Kolos-salle. La motivation pour remonter à la voiture pour les mousquetons et plaquettes étant limitée, Guilhem commence une session de scavenging : “oh, ce point est moyennement nécessaire, on l’enlève !” En effet, le parcours compliqué entre le P75 du début et notre emplacement est équipé de manière confortable. Il y a ainsi plusieurs points de vires qui permettent de se déplacer facilement sans être indispensable à la sécurité. Sachant que l’on déséquipera en remontant, ça ne pose définitivement pas de problème.
Alors que Guilhem entame la chasse aux plaquettes, je commence à percer. N’ayant aucune envie d’aller rééquiper les vires de l’angoisse qui permettent une descente directe à la Kolos-salle je me laisse convaincre par les paliers intermédiaires : “M’en fous, on fractionnera !” Je mets deux points, et je descends une dizaine de mètres. J’arrive sur le premier palier : Sur ma droite, un petit trou semble donner dans un puits, et de l’autre côté on reste dans le puits principal avec de beaux volumes. Hésitant, je me lance sur une paroi qui semble suffisamment verticale pour que la corde ne frotte pas. Il y a en effet de multiples possibilités, mais il est difficile de juger le nombre de fractionnements nécessaires, les parois étant faiblement diagonales. Je perce mes trous et me dirige vers un second palier après lequel il semble voir un vide convaincant. La grande inquiétude est qu’il ne me reste alors qu’une seule plaquette. J’espère alors trouver un surface de roche me permettant de descendre droit en bas, sinon il faudra renoncer, et ça on veut pas. Guilhem et moi avons porté notre espoir et notre motivation sur la Kolos-Salle, on la veut ! Chance, il y a juste ce qu’il faut pour mettre deux goujons et installer un petit Y. je vérifie que le fractionnement supérieur double est bien positionné pour ne mettre qu’une seule plaquette, je fais mon noeud et je lance la corde restante. Yes ça frotte pas !
C’est le moment où la tension monte. La lecture en long et en large de la description de l’inventaire ne m’ayant pas aidé à comprendre où aller, je ne suis sûr de rien. La topo est suffisamment complexe pour ne pas correctement distinguer les puits et je ne suis pas tout à fait sûr d’arriver à la Kolos-Salle ou dans le Réseau de l’Étoile filante, qui semblent pourtant se rejoindre… C’est maintenant que ça doit fonctionner, on ne va quand même pas louper le seul objectif intéressant de la sortie quand même !
Je descends à toute vitesse, j’arrive à peu près à plat dans des cailloux boueux et me retrouve nez à nez avec une paroi de roche. Je commence à gueuler : “tin ça fait ch*** cette grotte on comprend rien à la topo, on est paumé et on a plus de matos !” L’écho important qui m’atteint depuis derrière m’arrête nette me fait taire immédiatement. Je me tourne. La sensation soudaine de vide me faire presque perdre l’équilibre. Devant moi, la Kolos-salle. Ou plutôt un immense bandeau noir… Et oui, j’ai 140 lumens au mieux sur ma lampe…
Me remettant un peu de mes émotions, je crie à Guilhem qu’il peut venir et je pars sans réfléchir. Encore un peu sonné, je marche silencieux en me laissant avaler par les ténèbres. Le contraste entre la verticalité dans laquelle nous évoluions et l’horizontalité de l’endroit est saisissant, j’ai l’impression de tituber comme en rejoignant la terre ferme depuis un bateau. Je finis par m’asseoir de l’autre côté de la salle. Guilhem me semble prendre une éternité à venir. J’éteins ma lumière et rapidement je perds mes notions spatiales. Le vide commence à me remplir, ou alors je le remplis. Mon esprit semble se diffuser dans le volume. Un bruit de succion venant du milieu du plafond remet tout de suite dans mon corps. Le son m’a surpris et me ramène à un point minuscule dans le noir. Les yeux étant inutiles, c’est l’ouïe qui prend la relève. Différents bruits me parviennent. Mon esprit essaie de construire l’espace qui m’entoure, mais n’est pas chauve-souris qui veut, la seule certitude qui me reste est ma petitesse.
Je finis par voir une lueur de l’autre côté, qui me permet pourtant de distinguer les contours du volume. C’est Guilhem qui arrive. Je lui hurle de s’asseoir et d’éteindre la lumière pour s’habituer à l’obscurité. Il finit par comprendre et s’exécute. Un moment plus tard, il me rejoint en gambadant sur les tas compacts de boues. Un bruit lointain nous indique que Damiel et Léo ne devrait pas tarder à arriver. On s’assied et on attend. Lorsqu’ils arrivent, leur faire comprendre de s’asseoir dans le noir est tellement compliqué que l’on regrette de ne pas avoir un talkie-walkie. Les efforts finissent par payer et ils s’asseyent. Le bruit de succion revient périodiquement pour rappeler que le temps passe.
Les yeux de chacun s’étant habitués, on profite tous du volume qui se dévoile. On se rejoint alors pour manger. Pendant que Guilhem explique qu’il a abandonné les sandwichs avec du poisson sec (je ne peux qu’approuver, une partie avait fini contre mon téléphone lors d’une sortie précédente), je commence les pâtes et enfile un pull. Que du luxe ! S’il y a un endroit idéal pour tester le bivouac souterrain c’est bien là !
Tout le monde étant bien revigoré, on commence à remonter. Le déséquipement avance vite, et on se retrouve assez rapidement dans le P75. J’essaie de prendre une note mentale de l’équipement, mais sens bien qu’il faudra faire une vraie fiche d’équipement l’année prochaine. Je décide de laisser un bout de corde pendre depuis l’amarrage du pendule pour faciliter son rééquipement. Il suffira maintenant de se balancer sur la moitié de la distance pour saisir un noeud, empêchant le dangereux balancier inverse qui a déjà cassé une côte quelques années plus tôt.
Damiel m’attend alors que Guilhem et Léo sont déjà partis pour commencer les nettoyages au local. La soirée se terminera de manières moins peu ésotérique dans le rangement. Face à l’ampleur du travail restant (200 m de cordes bien boueuses notamment, plus de la saleté accumulée pendant l’été), je ramène Damiel et Léo à la gare alors que Guilhem rentre en voiture. Des tests nocturnes me permettent de trouver une manière de nettoyer les cordes mi-manuel mi-machine. Le lendemain, le rangement continue de 9h à 13h, avant de rentrer avec la fierté du chef-mat qui quitte un local nickel-chrome (si on ne regarde pas derrière les meubles).
État fin septembre 2018
Les amarrages sont neufs de l’entrée jusqu’à la Kolos-salle. La descente depuis le point (A) de la topo jusqu’à la Kolos-salle peut être amélioré.
Il faudrait brocher le passage de (A) à (B) et changer la corde. Il faudra ensuite évaluer l’état de l’équipement jusqu’à Mexico Palace.